LA PÉDAGOGIE CALANDRETA

«…Calandreta, avec les enseignants organisés en équipes pédagogiques et en partenariat avec l’établissement APRENE, développe une pédagogie qui tient compte principalement, dans sa pratique, des travaux du courant pédagogique Techniques Freinet – Pédagogie Institutionnelle et des psycholinguistes sur l’éducation bilingue en immersion précoce. Calandreta encourage la mise en place d’institutions, dans les classes, qui donnent la parole aux calandrons, qui les autonomisent, qui régulent la vie des groupes, qui ouvrent la classe vers l’extérieur.

Le but est d’assurer une continuité de la maternelle jusqu’au lycée et de donner du sens aux apprentissages. Les établissements Calandreta développent une pédagogie du sujet acteur dans un groupe, adaptée tant au premier comme au second degré…» (Carte Calandreta, 2005 – 2020)

Fort d’une expérience de plus de 40 ans, nous avons construit une nouvelle façon de faire école : la Pédagogie Calandreta.

5 principes

1 Faire son miel du bilinguisme

« Au secours, je suis monolingue et francophone ! » Jean Petit

Calandreta choisit l’immersion précoce dès le commencement en s’appuyant surtout sur les travaux du Professeur Jean Petit [1].

À Calandreta, l’occitan est la langue de vie, la langue pour dire et pour se dire. Cette pédagogie de la parole est liée naturellement avec l’immersion. APRENE participe maintenant au travail de recherche mené dans ce domaine avec les universitaires de l’ISLRF [2]. Le va-et-vient régulier entre la classe et celui du monde de la recherche a permis d’élaborer une vraie pédagogie de l’immersion, c’est-à-dire le développement de stratégies efficaces pour l’enseignement en occitan (contrastivité mesurée, statut de l’erreur, exposition intensive et continue à la langue…). Les établissements veillent à soigner la présence et la qualité de la langue, dans la classe et en dehors de la classe. En 40 ans, Calandreta, grâce à l’Établissement d’Enseignement Supérieur Occitan APRENE, aura assuré le passage d’une école expérimentale militante à des établissements experts, écoles de l’exigence. Dans une société où l’État ignore les langues «régionales», choisir l’immersion en occitan c’est s’enrichir d’une culture en mouvement, creuset d’une civilisation porteuse d’avenir.

[1] Le professeur Joan Petit (1929-2003) fut un compagnon de route des écoles Calandreta. Né en 1929 à Bordeaux, professeur agrégé d’allemand, il s’engagea tôt dans son parcours dans la formation de maîtres et la réflexion didactique. Directeur du Centre de Linguistique Appliquée de Besançon, puis fût nommé Professeur à l’Université de Reims en 1980 et dirigea le Département d’allemand.De 1996 à 2002, il enseigna à l’établissement APRENE.

[2] ISLRF Institut Supérieur des Langues de la République Française

2 Grandir dans un monde plurilingue

«Si, par comparaison du français et du languedocien, ou du provençal, les enfants du peuple, dans tout le Midi de la France , apprenaient à retrouver le même mot sous deux formes un peu différentes, ils auraient vite en main la clé qui leur ouvrirait, sans grande peine, l’italien, le catalan, l’espagnol, le portugais…» Jean Jaurès.

Jaurès, visionnaire, vérifia au début du XXe siècle une capacité commune à tous ceux qui parlaient l’occitan et le français. Ce bilinguisme vécu fut longtemps considéré comme un empêchement plutôt que comme une force à l’école. En 1984, au congrès de Montaillou, enseignants et associatifs découvrirent un texte de Tilbert Stegmann[3] qui initia la pratique d’une pédagogie plurilingue originale.

Nous commençâmes ainsi à travailler en intercompréhension entre les langues romanes avec l’occitan comme langue vertébrale. Puis le travail s’ouvrit à l’écoute de la musique des langues.

Aujourd’hui, le plurilinguisme que nous mettons en œuvre à Calandreta part des langues de la classe et s’élargit aux autres variantes de l’occitan, aux langues de la famille romane, et à d’autres familles de langues. Nous étudions, nous examinons les langues, nous les comparons pour en découvrir les particularités, les règles. Nous les comprenons ensemble pour mieux les apprendre.

Notre pratique pédagogique plurilingue, désignée par le vocable Familhas de Lengas, intègre :

des activités d’accueil des langues de chacun avec un travail sur les biographies langagières,

L’intercompréhension entre les variantes de l’occitan et entre les langues romanes,

L’écoute des musiques des langues,

Des passerelles entre l’occitan et le français,

Des comparaisons entre langues de familles différentes,

L’intégration des langues du cursus au secondaire avec le bilinguisme occitan français pour assurer un plurilinguisme ouvert.

Calandreta développe une approche plurielle originale étudiée dans la recherche en pédagogie et didactique des langues. [4]

Les programmes Musicas de las Lengas e Familhas de Lengas trouvent naturellement leur place dans les différentes institutions de la pédagogie Calandreta : rituels, quoi de neuf, correspondances, ceintures, …

[3] Tilbert Didac Stegmann (1941), expérimenta à partir des années 1980 l’enseignement simultané de familles de langues à l’université de Francfort. En 1994,il anima à Pau le stage fondateur «qui tient les langues tient les clés» et il participa au colloque Latinitàs à Béziers en 2000.

[4] la thèse d’Emilia Chorin (2017)

3 Accueillir la parole de chacun

« Les Calandretas ne sont pas des écoles bilingues, mais trilingues : Elles parlent occitan, français, mais aussi et surtout la langue du sujet. Si vous ne tenez pas compte du sujet dans l’enfant, vous ne lui apprenez pas à parler en occitan, vous lui apprenez à se taire en occitan…»

René Laffitte [5]

La classe Calandreta est une classe coopérative. Lieu, L imite, Loi, Langage (4 L de la Pédagogie Institutionnelle) permettent aux adultes et jeunes de s’organiser pour produire. Cependant, la vie coopérative du groupe tient compte de la singularité de chacun, sa culture, son histoire, ses savoirs...

Nous considérons l’élève avant tout comme un enfant. La diversité des statuts fait éclore les capacités de chacun. De la confrontation pacifique naît la créativité. «Grandir» est au centre de la pédagogie.

Cela vaut pour le comportement comme pour les apprentissages. Il s’agit de faire de la classe un milieu éducatif. Les apprentissages font aussi écho en dehors du cadre de l’école ou de l’établissement.

Chacun peut alors prendre conscience, de sa place et son action dans le groupe, de son cheminement, de son évolution qu’il soit enfant, adolescent, adulte.

[5] René Laffitte : instituteur, pédagogue, compagnon de route des Calandretas, publia trois ouvrages essentiels de pédagogie institutionnelle et accompagna la naissance et le développement de l’établissement APRENE

4 La langue d’une culture

« C’est à partir de l’ultra local que nous touchons l’universel » Salvador Dalí (après Montaigne)

La langue d’usage à Calandreta est l’occitan parce que c’est la langue d’un territoire. Elle est le liant d’une culture millénaire. Les apprentissages sont ancrés dans l’univers proche des calandrons. Mailler avec l’environnement, aller voir, sortir de la classe, partir en voyage ou en classe transplantée, correspondre, sont indispensables pour faire vivre aux enfants, adolescents, et aux adultes l’expérience de l’altérité et de l’ouverture.

Savoir d’où nous venons, où nous avons choisi d’être, ce que cet endroit nous apprend, est essentiel. Cela donne tout son sens à la connaissance et la reconnaissance du Patrimoine Culturel Immatériel de l’humanité.

5 Calandreta pour apprendre

« Personne (trans)forme l’autre.

Personne ne se (trans)forme seul.

C’est ensemble que nous nous (trans)formons.»

Paolo Freire

L’enfant singulier est acteur de ses apprentissages. Pour cela notre pédagogie installe un cadre institutionnalisé sécurisant. Elle renforce ou crée la confiance de l’élève, l’estime de soi, avec les outils des Techniques Freinet (texte libre, journal scolaire,… ) et de la Pédagogie Institutionnelle (ceintures, conseil…). Elle favorise son désir d’apprendre, de découvrir, éveille sa curiosité. Chacun est acteur de ses apprentissages grâce à la classe coopérative qui fournit des situations stimulantes riches d’interactions, productions…. qui multiplient les échanges avec le groupe classe et l’extérieur. Calandreta est l’école du courage et de la responsabilité. Les calandrons y apprennent à lire, à écrire, à compter et deviennent citoyens en vivant l’altérité et la liberté. Au collège et au lycée, ils poursuivent ce chemin de responsabilité.

Cadre de mise en œuvre

La pédagogie Calandreta se construit dans des établissements où :

Les parents d’élèves, les enseignants et les élèves font vivre le projet éducatif ;

Au delà de leurs différences les acteurs agissent de concert, dans des lieux identifiés qui s’appuient sur la Pédagogie Institutionnelle ;

Tous les acteurs (élèves, collégiens lycéens, associatifs , enseignants, autres salariés) expérimentent le rapport à la loi et la participation active aux lieux de décisions ;

Les enseignants décident en équipe, d’une façon coopérative, des grandes lignes de l’action éducative de l’établissement en cohérence avec la Pédagogie Calandreta et la Charte Calandreta.

La liberté pédagogique de chaque enseignant s’exprime dans ce cadre. Le Conseil des enseignants coordonne la mise en œuvre du projet éducatif. Il coordonne, développe et donne élan aux techniques nées des formations et des recherches d’APRENE, outil de formation Confédéral de Calandreta. Le chef d’établissement, responsable de l’application des décisions du Conseil, veille à la qualité pédagogique de l’établissement. Le conseil des enseignants comme le chef d’établissement, prennent en compte les avis du Conseil d’Administration de l’Association de l’établissement. Le chef d’établissement est associé au Conseil d’Administration et il est membre du bureau.

Dans les établissements Calandreta, le conflit n’est pas occulté. Par contre, le débat est indispensable pour construire une culture commune aux équipes pédagogiques, éducatives, et associatives. Connaître son rôle dans la communauté éducative Calandreta, c’est connaître ses limites d’action et d’intervention, quelle que soit sa place : institutrice, professeur, aide maternelle, salarié, associatif, calandron ou parent.